[RETOUR] (Voyageur . le fils) Nicolas Nicolas, où a tu mis ta cagoule ?! Nicolas, quatre ans, est un petit garçon qui comme beaucoup d'autres ne fait pas attention à ses affaires. Nadine, sa mère, Pascal, son père, |
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s'en désolent et rouspètent ; en pure
perte, semble-t-il. Je suis chez Maryse, à Fontenay-sous-Bois,
quand Nadine parle, entre autres disparitions, de cette cagoule rouge
perdue – une de plus ! – il y a un bon mois, portant le
nom de Nicolas marquée dedans.
Nadine a souvent l'occasion d'aller dans les endroits où a séjourné Nicolas : l'école, la cantine, chez Maryse, chez moi... pour tenter de retrouver les habits ou autres jouets laissés là. Tout fini par se retrouver, en général, mais cette fois, la cagoule est récalcitrante, elle reste perdue. Perdue au parc ? Dans les bois ? Dans la rue ? Au Fast-food ! Oui, c'est là qu'il doit l'avoir oubliée ! Peut-être au milieu des balles de plastique de la «cage à balles». «Nicolas, tu commence à me coûter cher en cagoules !» De retour chez moi, je rencontre Raymond, mon ami et voisin et, par simple réflexe parental, lui demande s'il n'a pas vu ce vêtement chez lui, embarqué par Emil, son petit garçon, qui est dans la même école que Nicolas. Il y a là, Anna, en visite, qui, nous entendant parler d'une cagoule rouge avec une étiquette «Nicolas», nous dit, plutôt surprise, que ça peut être celle qu'elle a trouvé chez elle à Montpellier. Que pourrait elle faire là ? Et est-ce bien «cette» cagoule ?... Les filles de Anna sont trop âgées, maintenant, pour porter des cagoules ou pour avoir des copains qui en portent.
D'autres renseignements sont nécessaires. Je téléphone à Nadine pour qu'elle me donne d'autres précisions sur le truc. C'est une cagoule rouge, donc, avec des machins représentant des têtes de clown cousus à hauteur des oreilles. Une étiquette bordée de bleu, portant leur nom de famille, est cousue à l'intérieur, en bas et sur le devant de la cagoule. Et une tentative ratée d'inscrire au stylo «Nicolas» sur l'étiquette d'origine du bidule apparaît encore. Voilà. Anna confirme, c'est la bonne cagoule. Elle promet de renvoyer le tout par la poste dès son retour chez elle. Ce vêtement est à Montpellier. Il aura fallu que Nicolas l'oublie chez Maryse, ou à l'école, que Maud ou moi l'emmenions par erreur, ou Émil, que j'aille chez Raymond, que l'un de nous l'oublie là, que Anna soit justement de passage et qu'elle la prenne par erreur. Il y a beaucoup trop d'oublis et d'erreurs dans cette histoire. Anna doit donc me la renvoyer chez moi. Bon, parlons d'autres choses. Les jours passent. Trois mois plus tard, Anna est à nouveau chez Raymond. Je me rappelle cette histoire de cagoule un peu par hasard et je lui dis que je n'ai jamais rien reçu. Anna, en revanche, s'en souvient très bien. Elle me dit qu'elle me l'a envoyé dès son retour chez elle, il y a trois mois. Bon, ce machin, vraiment destiné à être perdu, s'est retrouvé égaré dans les méandres des colissimos. Il semble que ça soit sa place. Deux ans ont passé, j'ai changé de domicile. J'habite maintenant à Hellemmes, dans le Nord. Je fait des rencontres ; souvent des parents avec qui, inévitablement, parmi les sujets de conversations on trouve : les gosses. Chez Catherine et Jean-Noël où ce sujet est abordé ce soir là, le thème est «les enfants qui oublient et qui perdent tout». Je raconte innocemment l'histoire, en fait sans intérêt, de la cagoule indécise, perdue, retrouvée puis re-perdue. Mais cette histoire a perdu son statut d'anecdote-à-oublier-deux-minutes-plus-tard, quand Catherine, en visite dans sa famille, en Bretagne, me téléphone qu'elle pense avoir retrouvé la cagoule chez ses parents qui l'avait conservée pensant qu'elle appartenait à Pauline, la fille de Catherine. Ce que Pauline a toujours nié. Catherine, rationnelle, ordonnée, parvient à me la ramener. Et c'est bien «la» cagoule. Cette histoire est toujours sans grand intérêt mais elle devient «gauche», tordue, un peu poil a gratter. Le souvenir de la description détaillée de Nadine me revient. Je vais pour lui téléphoner, aussitôt. Sans doute que le vêtement ne va plus à Nicolas, mais l'histoire est trop invraisemblable. Seulement voilà, ni Nadine, ni Pascal ne sont là. Nadine ne me rappelle que trois jours plus tard, ils étaient en voyage. Je lui raconte l'histoire et lui propose de tenté de lui renvoyer une nouvelle fois, histoire de boucler cette boucle ! - Tu crois vraiment ? Nicolas a une autre cagoule maintenant, tu sais ; il a du en porter trois ou quatre différentes depuis tout ce temps, perdues aussi, ou devenues trop petites... Mais moi, j'insiste. Et irrationnel encore, désordonné toujours, je ne parvient à la retrouver, justement. Et ça m'énerve... Mais ça m'énerve vraiment d'être incapable de fournir le moindre effort lorsqu'il s'agit de ranger les choses ! Nadine, à l'autre bout du fil, quand je la rappelle, cherche à me calmer, me dit que c'est vraiment sans importance et que le destin de cette cagoule, c'était d'être éternellement perdue, et de toute façon, si tu y tiens vraiment, tu la retrouveras, quand tu aura cesser de la chercher, comme à souvent ! C'est vrai que je suis coutumier de ça, chercher des trucs, ne les trouver jamais, et m'énerver, m'énerver encore. Et puis un an se passe. J'ai du raconter cette histoire sans grand intérêt à qui voulait l'entendre, à qui pouvait trouver une parcelle d'ombre d'intérêt à l'entendre et j'ai dit cette description précise de cet objet insaisissable : «Une cagoule rouge, donc, avec des machins représentant des têtes de clown cousus à hauteur des oreilles. Une étiquette bordée de bleu, portant leur nom de famille, est cousue à l'intérieur, en bas et sur le devant de la cagoule. Et une tentative ratée d'inscrire au stylo «Nicolas» sur l'étiquette d'origine du bidule apparaît encore.» ; je pourrais passer un peu pour un maniaque mais mes amis ont l'habitude. Mon ami Martin, justement, fait partie de ces gens qui sont prêts à écouter ce genre d'épopées surprenantes, inutiles et dérisoires. Il ne savait pas qu'il allait en devenir un des acteurs : «Une cagoule rouge, donc, avec des machins représentant des têtes de clown cousus à hauteur des oreilles. Une étiquette bordée de bleu, portant leur nom de famille, est cousue à l'intérieur, en bas et sur le devant de la cagoule. Et une tentative ratée d'inscrire au stylo «Nicolas» sur l'étiquette d'origine du bidule apparaît encore.». Un voyage de deux mois à travers la Thaïlande, le Laos et le Vietnam : Martin, Kevin et Steu ont désiré et accompli ça. Et un soir, dans un hôtel borgne à Chiang Mai, au Laos, je crois, Martin a retrouvé la cagoule ! Près du lit ! Abasourdi, il a demandé à la réception, avant de repartir, le lendemain matin, si les occupants précédents de sa chambre étaient français. L'employé de l'hôtel, méfiant, lui répondit que les occupants précédents de la chambre avaient des passeports canadiens. Sans plus poser de question, Martin est remonter pour prendre ses affaires et a pris la cagoule dans ses bagages (Les différentes péripéties de ce voyage sont évoquées sur http://margranger.free.fr/sinusite/sinusite.htm – Ça n'est pas la seule histoire de peintécritures qui renvoie à ce site (ce sont chaque fois des histoires qui parlent de mon désordre, c'est vrai (?))... Martin fait beaucoup de choses et va dans beaucoup d'endroits. Sinusite est dans sa cuisine. J'ai l'impression, parfois, qu'il y a le monde entier dans son appartement. Ça n'est sans doute pas une impression). Martin, beaucoup plus soigneux que moi, a réussi, évidemment, a me rapporter la cagoule. Il est venu me l'a confier un soir. Elle était à nouveau entre mes mains,elle n'était en fin plus perdue. Cette fois,elle ne s'égarerait plus par moi. Je l'ai rangée avec précautions, avec respect et crainte. Cet objet était ahurissant. Martin m'a parlé de son voyage, assez peu finalement, et nous avons rapidement discuté de tout un tas d'autres choses. Nous avons passé une bonne soirée, vraiment. Il est reparti chez lui, je suis allé me coucher. Le lendemain, bien sur, je ne me souvenais absolument pas de l'endroit ou je l'avais rangée si précautionneusement. Trop, je sais. Elle était donc à nouveau perdue. Heureusement que je suis à l'abri de toutes pensées superstitieuses. Cela m'a permis de ne pas être tenté de faire appel à tous les marabous/exorcistes/magnétiseurs de la région à propos de ce vêtement si particulier. Je me suis juste énervé une fois de plus. J'ai quand même téléphoné à Martin pour lui demander si, par hasard, il n'avait pas emmener, «par réflexe», la cagoule... Ou s'il n'avait pas souvenir de l'endroit où j'avais bien pu la cacher dans ma maison... Ça l'a fait beaucoup rire. Il trouvait ça très amusant comme histoire. C'est vrai. Mais j'étais très énervé. Alors j'ai oublié. Un autre copain, médecin, bossant pour une ONG en Afrique, dans un pays ravagé par la sécheresse, l'a retrouvé dans un lot de vêtements en provenance du Japon : «Une cagoule rouge, donc, avec des machins représentant des têtes de clown cousus à hauteur des oreilles. Une étiquette bordée de bleu, portant leur nom de famille, est cousue à l'intérieur, en bas et sur le devant de la cagoule. Et une tentative ratée d'inscrire au stylo «Nicolas» sur l'étiquette d'origine du bidule apparaît encore.» C'était elle. Il me la ramené, je n'ai même pas essayé de la ranger. C'est vrai, je savais que j'allais certainement la perdre à nouveau mais que quelqu'un, dans mon entourage, allait tôt ou tard me le ramener. Effectivement, six mois plus tard, une amie, Mathilde, l'avait retrouver cette fois dans une friperie de Calais. Ah, le voyage était plus réduit cette fois. Elle a voulu me l'a rapportée mais sur le chemin du retour, s'est fait voler sa voiture sur un parking. Puis je l'ai récupérer, revenant du Pérou, le mois suivant par Xavier, un copain, pas vu pendant des années et à qui une autre de mes amies avait raconté le truc. Quand je l'ai eu en main, je l'ai clouée sur un mur de ma cave. Nadine, Pascal et Nicolas ont accepté de me la céder pour que j’en fasse une peintécriture. De toutes façons, elle est devenue vraiment trop petite pour Nicolas,qui n'en met plus depuis longtemps, à neuf ans presque dix ! Maintenant, elle cessera de bouger. Quoi de plus en perpétuel mouvement que les insectes ? Et vifs encore. Les voilà là, puis là, ah non, là ! Ils ne sont jamais là où on les attend ! Comment les répertorier comment les empêcher de toujours changer de place ! Comment les étudier, les admirer ? - En les fixant sur une plaque de liège, par une épingle leur traversant le corps - Bien sur, il ne survivent généralement pas à ce traitement... Mais ils ne perdent rien de leur belles couleurs. Et on peut les compter, les classer, les empêcher de ne jamais être là lorsqu'on a besoin d'eux, besoin de bien les voir. Leur permettre d'exposer ce qui doit être vu, ce qui doit être retenu, sans qu'ils ne partent dans toutes les directions... Les vertus de l'épinglage ! Les entomologistes ont évidement bien compris tous les avantages du système. Les chrétiens aussi, peut-être. Enfin, voilà la cagoule de Nicolas destinée à être peintécriture. J'espère bien la retrouver, son cadre l'attend... Parce que quelqu'un (peut-être moi ?) l'a décloué du mur et elle a encore disparu. Mon enquête un peu énervée, un peu fataliste, n'a, pour l'instant, rien donné. Mais son cadre l'attend. Si quelqu'un la trouve : «Une cagoule rouge, donc, avec des machins représentant des têtes de clown cousus à hauteur des oreilles. Une étiquette bordée de bleu, portant leur nom de famille, est cousue à l'intérieur, en bas et sur le devant de la cagoule. Et une tentative ratée d'inscrire au stylo «Nicolas» sur l'étiquette d'origine du bidule apparaît encore. En l'attendant, je vais utiliser une autre cagoule perdue pour la peinture. Les cagoules perdues ont elles une sorte de langage se propageant au delà des frontières physiques ? Parviendront-elles se persuader l'une et l'autre, d'être retrouver ? |